Santé

Jean Charles Faivre Pierret : rôle de l’entreprise dans la santé au travail

sante-travailOn dit que le travail est la santé mais l’inverse est-il juste ? Le travail améliore-t-il la santé ? On peut d’ores et déjà constater que les conditions de santé des travailleurs se sont, ces 50 dernières années considérablement améliorées : plus de travailleurs dans les mines, davantage de jours de vacances, protections physique et juridique des travailleurs de plus en plus importantes, couverture plus complète. Ce constat semble donc assez positif comme nous le rappelle Jean-Charles Faivre Pierret.

Rencontre avec deux invités, Valérie Langevin, docteur en psychologie du travail, experte d’assistance conseil sur les risques psycho-sociaux à l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité) et auteure d’une thèse sur le burn-out (voir article sur le sujet par Jean-Charles Faivre Pierret)
Notre autre invité est Alain Randon, médecin du travail à la RATP et à la tête du comité de direction de l’association santé et médecine du travail.
Alain Randon : « Le travail c’est la santé ; effectivement. Avoir du travail contribue à construire sa santé et on voit à l’inverse, ce qui est souvent mis en évidence, qui est que les gens qui sont au chômage sont en plus mauvais état de santé que ceux qui sont au travail. Le travail c’est une valeur, c’est un lieu de contact social, on travaille avec d’autres, on travaille donc en lien avec des collectifs. On produit, on valorise un peu son activité et il y a à travers ça une reconnaissance et une construction de l’identité. Le métier de médecin du travail a beaucoup évolué et il est certain qu’au sortir de la Guerre, et c’est une image qui reste collée au médecin du travail, ce dernier était un petit peu vu comme un élément de sélection. Une sélection au niveau du recrutement à travers des profils de poste etc. Maintenant la situation a beaucoup évolué. D’abord, le métier a évolué, les études ont évolué. Un médecin du travail c’est un médecin spécialiste, bac + 10 donc il y a un investissement professionnel qui est très fort et sa mission qui n’a pas changé c’est veiller à éviter toute altération de la santé liée au travail. Son rôle est donc de mettre en évidence le lien santé/travail. C’est un rôle de veille, un rôle d’alerte, d’information du salarié et son rôle essentiel est de préserver l’état de santé. 80% de la profession est regroupé dans des centres inter-entreprises, 20% dans des services autonomes. Les garanties de fonctionnement sont donc très fortes et se retrouvent dans le Code du Travail. Le médecin du travail est un salarié protégé et a une indépendance professionnelle garantie. Il a le devoir de dire les choses, donc c’est un rôle de conseil, de préventeur, son rôle est exclusivement préventif. Tout salarié doit être suivi par un médecin du travail donc c’est une obligation légale. Le problème qu’on a à l’heure actuelle, c’est qu’on a une très forte diminution : à peu près 6000/200 000 médecins donc un certain nombre de salariés ne sont plus couverts. Avec le vieillissement de la population, il n’y a pas de renouvellement du métier. La médecine du travail est une spécificité de la France et tend à être remplacée par ce qu’on appelle « la santé au travail » avec d’autres intervenants qui n’ont pas les mêmes garanties d’indépendance que les médecins du travail. Un médecin du travail peut également être employé par une entreprise. Il relève alors du code de déontologie, du code de Santé Publique, des directives au niveau du secret, de l’indépendance de la profession. Il est tenu au secret médical absolu, au secret médical individuel mais qui peut dire des choses au niveau du collectif et parler de choses médicales. »

Valerie Longevin : « Globalement, sur une longue période on peut s’apercevoir que les accidents du travail tendent à baisser. En revanche, on constate une augmentation des maladies professionnelles, les trois quarts de ces maladies étant constituées par les troubles musculo-squelettiques. Il y a une liste des pathologies donc actuellement on est à une centaine de maladies professionnelles. Celle-ci est établie par d’une part les partenaires sociaux et arrêtée par le Ministère du Travail. Le tableau des maladies professionnelles s’est enrichi au cours des années. Les tableaux évoluent du fait de l’évolution des connaissances qu’on a sur les pathologies et le lien entre les pathologies et l’exposition aux facteurs de risque en environnement professionnel. »
AR : « Il y a des médecins du travail un peu partout en Europe mais qui ont un fonctionnement différent. Ce sont plutôt des chefs de service qui coordonnent des actions de prévention et qui n’ont pas une médecine de première ligne, de présence dans les entreprises, de contact direct avec les salariés. Le médecin du travail a un rôle de prévention qui est renforcé par les dernier textes ce qui veut dire que si vous êtes embauchés dans une entreprise, le médecin du travail doit vous expliquer quels sont les risques auxquels vous allez être exposés dans votre métier, quelles sont les conséquences possibles pour votre santé. Ils doivent donner une information complète, ce qui est très difficile à faire à l’heure actuelle s’il n’a pas toutes les informations en particulier par l’employeur sur les produits utilisés et sur les conditions de travail. Cela nécessite donc une connaissance importante du poste de travail. »

VL : « L’INRS signifie institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles donc pour la prévention des risques professionnels. Nous sommes un centre de ressources scientifiques et techniques pour concourir effectivement à la diminution des accidents du travail et des maladies professionnelles. Nous travaillons de concert avec l’ensemble des acteurs de prévention dans les entreprises, donc bien évidemment les médecins du travail mais également les agents des services prévention en région qui ont un rôle à la fois de contrôle, d’exécution du Code de la Sécurité Sociale pour la protection de la santé et la sécurité des salariés mais également un rôle de conseil. Nous sommes une association de loi 1901 paritaire mais nous sommes subventionnés par les cotisations des entreprises sur la base des accidents du travail et des maladies professionnelles. Donc plus globalement nous faisons partie de la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale. Nous sommes plus de 600 répartis dans deux centres : Paris et Nancy. »

Qu’est ce qu’un risque psycho-social ? Explications Jean-Charles Faivre Pierret

VL : « Les risques psycho-sociaux regroupent des situations de travail où sont présents du stress c’est-à-dire le déséquilibre entre les contraintes dans l’environnement de travail et les ressources que le salarié a à sa disposition pour y faire face, des violences internes (conflits entre salariés, conflits entre services) mais également les problèmes éthiques de harcèlement moral, de harcèlement sexuel et les violences externes c’est-à-dire tout ce qui est de l’ordre des agressions, des incivilités de la part du public, des clients, des salariés. C’est un phénomène qui existe depuis très longtemps dans les entreprises. En revanche, ce qui est nouveau, c’est la prise de conscience de ces risques professionnels qui ne sont pas des risques mineurs. En effet, pour y revenir, cela peut engendrer de véritables pathologies. Donc ce qui est nouveau c’est la prise en compte de ces risques professionnels en situation de travail. La prise de conscience a été progressive au cours des années 2000, les médias et les acteurs de l’entreprise en ont pris conscience, l’Etat et les partenaires sociaux aussi…il y a eu une prise de conscience à différents niveaux de notre pays qui fait qu’effectivement maintenant ces risques existent dans le paysage professionnel. Ces risques sont à prendre en compte comme les autres risques professionnels, ils ne sont pas à négliger, on les a en fait beaucoup sous-estimés jusqu’à présent donc je pense qu’il est grand temps de dire que ces risques existent, que ce ne sont pas des sous-risques et que même s’ils ne sont pas forcément présents dans tous les ateliers, dans toutes les entreprises, il y a une nécessité et d’ailleurs une obligation du chef d’entreprise de les évaluer. C’est-à-dire de se poser la question « est ce que j’ai des risques psycho-sociaux dans mon entreprise ? ». Un sujet régulièrement abordé par Jean-Charles Faivre Pierret.

 

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